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reprise... Les Intemporaines
photo wl
Le temps est sans fin
L’espace est sans fin
Et sans fin
Ni repos les matières
Car est matière
Ce qui résiste au désir
L’homme
L’ouvrage et son désir
Sont sans fin
Et la bombe
D’Hiroshima tombera
Sans fin
Rudérales
Sont les fleurs
De nos jardins saccagés
Sur les décombres
Et le remblai en friches
De nos consciences
Lumière
Les cendres du soleil
Cosmos
Ce qui couve encore
De son feu
Dans l’incendie
Aux lisières aveugles
Et la pluie noire
Des moussons du vide
Mais l’ombre
Marquée sur un pan
Carbonisé d’Hiroshima
Est le fantôme écorché
De qui passait
Sous les bruissements
De cerisiers
Dont on disait en ville
C’est le frisson
Le plus secret du beau
Qui seul peut
Nourrir l’âme humaine
Mémoire
Le terrain vague
Où la végétation sauvage
Des images d’Hiroshima
Repousse toujours
Parmi les gravats
De l’horreur instantanée
Et les crépis boursouflés
De la peau
Et les pustules de la peur
A venir
Brûlis
Où l’ortie amère persiste
Plus têtue
Que l’oasis dans le désert
Du cœur
Ou le nerf
Des coqs décapités
Que la fureur fait courir
Les mots
Comme des gants
Oubliés rêvant de caresses
Que la main
Ne peut connaître que nue
Après ce souffleEt l’érection priapique
De sa puissance
Que faire
Du souffle faible
Qui habite la carcasse
Et sa trace
Dans le verbe proféré
De la férocité
Sinon
Répéter la présence
Qui dénonce
Et le verbe
Qui embrase autrement
L’innocence
De ce qui apparaît
Quand la beauté enfante
Nos regards
Et l’orgasme naïf
De l’aurore après l’aube
Ou l’horizon
Qui recule pour
Laisser place à l’immense
Mon âme
Faudra-t-il boire
Dangereusement penchée
Comme la girafe
Qui fait le grand écart au
Bord des berges
Où nage
Entre deux eaux boueuses
Le crocodile
Aux bonds soudains
Et prodigieux pour prendre
Au cou et entraîner
La proie aux yeux trop doux
Ou comme le ginkgo
Dont les racines s’abreuvent
A la nappe profonde
Lorsque tombe
La foudre aveugle d’en-haut
La vie par les oiseaux
La mort par l’homme-oiseau
Dont les œufs
De coucou ont dépeuplé
Le nid de la couvée des autres
Mon âme
A l’âge de la matière ardente
Elle est née du chaos et chante
Un chant qui monte
A pleine gorge depuis le néant
La seconde de silence
Après qu’Hiroshima
A cessé de disparaître
La seconde de silence
Après qu’on a ouvert
Le camp d’Auschwitz
Et découvert
Jusqu’où peut retomber
La nature trahie du nom
D’homme
La seconde de silence
La même
Que rien d’imaginable ne
Peut meubler
La reconnaîtrons-nous et
La ferons-nous nôtre
Le poème
Sera-t-il la suivante
Qui du fond de notre âme
Fera paraître
Après ce total déblaiement
Des illusions
L’espace pris
Par la première note
Du premier chant lancé ici
Aussi intact que la seconde
Avant l’horreur
Jusqu’où
Faudra-t-il curer
L’étang des certitudes
La plaie ouverte
Des crépuscules au ras
De l’horizon
Et qu’aurons-nous
Encore à respirer d’air
Qui ne soit pourri
Par le passage
Dans le cloaque obscur
De la mort
Et les sanies
Dans la bouche du verbe
Alors qui
Osera dire je t’aime
A la louange de ce qui est
Si ce n’est le poème
Qu’aucune apocalypse ne
Désarme
Lui le souffle le plus haut
Et le plus faible
Des mots qui l’emportent
Vers les ténèbres libres
Et dévorantes de la beauté
Combien de temps
Faudra-t-il avant
Qu’un premier chien
Perdu ne s’aventure
Et dans le camp vide
Des crématoires
Et dans le champ
D’Hiroshima
La ville comme un œil
Sans rien dedans
Combien de temps
Avant que nos lèvres
Ne produisent tout bas
Le bruit des mots
Perdus par le chagrin
Combien de temps
Avant que dans la tête
Ne retombent l’écho
La fumée la poussière
Et tout ce qui recouvre
Les eaux troubles d’hier
Où se tiennent debout
Les échassiers de l’âme
Une patte sous les plumes
Et l’autre dans la boue
Comme ces fours
Et ces tours dont s’obstine
Le rappel
Malgré les ans tranquilles
Et les nuages qui oublient
Là où ils ont souffert
La chute brutale
Du soleil
Le flash
Photographique
Monstrueux du ciel
Là où ils connurent
L’épouvante
De voir s’effondrer
Le château de cartes
De la lumière
Là nous avons désuni
La matière
Et rendu éparse
La poussière universelle
De l’harmonie
Et nous voilà contraints
De promener
Les animaux grimaçants
De la laideur
De les nourrir du lard
Grouillant
De la vulgarité de l’âme
Et d’attendre
L’amoureuse impatience
Que promet
Le vertige d’être l’œuvre
Nous sommes décombres
Sur les décombres
De nous-mêmes
L’art qui n’est qu’amour
A reconstruire
Peut seul
Nous rendre les beautés
Des débuts
Car rien n’encombre
Sa prophétie
De n’être à lui-même
Que liberté de naître
Tout oiseau qui se pose
Sur l’herbe où repose
Le souffle d’Hiroshima
Marche sur de couches
De morts
Tout papillon qui bat
Des ailes pour s’enivrer
De pollen
Remue des cendres
Qui prennent la lumière
A la gorge
Et quand un crépuscule
Teint ses mains au henné
Pour épouser l’ombre
Que reste-t-il d’autre
Que nos pauvres paroles
Dans la chorale des choses
Cependant
Le temps tout entier
De l’instant
L’instant tout entier
Du temps
Restaient suspendus
Comme aux lèvres
Un baiser juste donné
Et la vie qui connut
Tant de déluges de feu
Et d’eau sur les terres
Comme un manteau
De verre qu’on met
Et qu’on retire selon
La vie têtue revient
Avec le rose aux joues
Des jeunes filles
Et l’archet de la sève
Contre la corde
Neuve des jeunes gens
La vie comme un couple
Sous le noir
Parapluie des mystères
Ou l’ombrelle
Claire d’un feuillage
Frissonnant de promesse
Quelque chose est monté
Du rien qui restait
D’Hiroshima
Peut-être la paix possible
D’une musique sans
Intentions
Comme on chantait la vie
Dans les baraques
De la Shoa
Comme on enlève
Son chapeau en entrant
Quelque part
Sans voir où l’accrocher
Quelque chose
Qui ferait qu’on entende
En touchant
Une pierre restée à terre
Qu’elle chante au-dedans
Autant
Que les étoiles au-dehors
Que le poème se tient là
Pour le dire
Et l’art
Afin que dure une beauté
Indifférente
Qui doit
Tout à son regard vers elle
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